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De Meknes a CasablancaLe havre de paix a Meknes, la douce abondance a Casablanca, avant les affres du désert, la vallée du Draa est un oasis verdoyant immense, qui étire ses méandres d'Agdz à Mhamid, sur près de deux cents kilomètres... Pays berbère, né de l'union de la montagne et du désert, de la rencontre de l'eau et du soleil, de l'Atlas et du desert, la vallée de Drâa est unique. Le Drâa est formé des eaux des oueds Ouarzazate et Dadès. Né entre 2 050 et 3 050 m d'altitude sur le versant saharien du Haut-Atlas, l'oued creuse son lit à travers l'Anti-Atlas et progresse vers le Sud-est jusqu'à Mhamid où il disparaît. Ses eaux se perdent dans la vallée et servent d'irrigation aux palmeraies et aux petits périmètres irrigués qu'elles abritent alors que son lit n'atteint l'Atlantique aux environs de Tan-Tan que lors des crues. Dans les régions parcourues, l'écoulement est le plus souvent temporaire, le long de villages aux habitations en terre séchée regroupés près des oasis. Autrefois, de longues caravanes de marchands au sud, étoffes, perles de verre et sel contre de l'or, des esclaves, du cuir et du poivre. On dit qu'autrefois, la vallée du Drâa était plantée d'oliviers. Le dattier, originaire d'Arabie Saoudite, serait arrivé avec les caravaniers en provenance du sud Sahara. Les vieux textes parlent d'une région prospère où l'on rencontrait même de crocodiles. De nos jours, régulé par le barrage El Mansour, le Drâa abreuve généreusement sa vallée et fait vivre plus de 150 000 personnes. Il y a toujours un vrai bonheur à se perdre dans la médina, à se mêler aux acteurs de ce théâtre tour à tour burlesque, émouvant ou tragique, à se voir offrir à chaque pas le cadeau d'une beauté nouvelle, d'une merveille inattendue. Le petit taxi a dû renoncer à s'engager plus loin dans l'inextricable lacis des ruelles et des impasses, et la courte promenade qui mène au « Foundouk » est déjà une fête d'avant la fête, celle qui est promise à la table de l'une des plus belles adresses gourmandes de Marrakech. Voilà quelques décennies à peine s'élevait ici l'un de ces caravansérails où les paysans venus des villages alentour pour vendre fruits, légumes, volailles, ânes ou chameaux logeaient accompagnés de leurs bêtes dans une indescriptible promiscuité. On a peine à imaginer qu'entre ces mêmes murailles retentissaient autrefois les cris des hommes et des bêtes, flottaient les effluves puissants des écuries, des sacs de laine brute et de la sueur des hommes. On entre aujourd'hui dans un lieu d'une élégance épurée qui réussit la gageure d'être moderne tout en restant intemporelle. Géométrie stricte et linéaire, jeu presque abstrait du noir et du blanc, volages nuageux, niches dans les murs abritant des objets rares et exquis... L'étonnant est qu'on se sait sans le moindre doute au Maroc, sans que jamais pourtant son évocation presque subliminale tombe dans les lourdeurs du folklore. Autour d'un puits de lumière occupé par un lustre arachnéen en fer forgé, immatériel tant il est aérien, s'ouvrent sur deux niveaux des salons presque invisibles, assez vastes parfois pour accueillir une douzaine de convives, et pour certains aussi intimes qu'un boudoir. Au rez-de-chaussée, des divans, des canapés et des fauteuils profonds ; à l'étage, des hamadas, lacs asséchés, oueds fantômes, gorges et canyons... Le Grand Sud, c'est la rencontre entre le monde vertical de la montagne et celui, horizontal, du désert. C'est le règne sans partage du minéral, le temps pétrifié sous des ciels impassibles, la brutalité nue de la Terre d'avant la vie... Pourtant, des hommes ont fait leur cet univers. De sols maigres inlassablement travaillés, de sources parcimonieuses et de puits creusés dans la pierre, ils ont fait jaillir des oasis ; de leurs mains, ils ont pétri des villes et des citadelles de glaise ; et de ces steppes d'herbes rêches qui parfois triomphent du désert, ils ont fait des pâturages où broutent leurs bètes. Quelques tentes sombres plantées au creux des dunes, une caravane qui surgit du néant avant de s'y engloutir de nouveau, un petit berger assoupi à l'ombre d'un tamaris, au loin comme un mirage brouillé, la tache verte d'une palmeraie... Là est le prodige : de ces espaces désolés que les mythiques font appartenir à Dieu seul, des humbles parmi les humbles ont su faire un lieu de vie et d'amour. Un désert vivant...
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